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Les épisodes Zelda sur CD-I sont notoirement connu pour soulever l’hilarité des fans de la saga. Ou leur faire honte, c’est selon. À l’époque de leur sortie, les jeux se sont fait proprement démonter par la critique et les joueurs. Mais auriez-vous pensé un jour qu’une suite spirituelle débarquerait ? Moi non plus et pourtant c’est le cas avec Arzette : Jewel of Faramore. Et vous savez quoi ? C’est tout simplement génial !

Mais quittons un instant la grisaille de notre monde pour nous rendre dans les terres du Royaume de Faramore. L’infâme Seigneur Démon Daimur a lancé une attaque sur ce dernier. Il est d’ailleurs assisté par un traître à la couronne, le Duc Nodelki d’Amelog. Le Roi Rahkin, sa fille la princesse Arzette, Dail un héros improbable et le fidèle conseiller Wogram décident alors d’attaquer son domaine d’Oakurin. Grâce au Joyau de Faramore, Daimur est scellé dans un livre. Le joyau s’étant cependant brisé, le roi ordonne que ses fragments soient séparés et protégés. La paix revient alors. Mais l’infâme Nodelki parvient à rassembler les fragments du Joyau et libère Daimur. Celui-ci le charge alors de protéger les fragments avec quatre autres complices avant de s’attaquer à Faramore. Arzette qui n’a jamais relâché sa vigilance entame alors  une quête pour mettre fin à sa tyrannie une bonne fois pour toutes.

Arzette, Princesse de Faramore, notre charmante héroïne et « cousine éloignée » de la princesse Zelda version rousse. Ce qui la rend automatiquement attachante.

Avant de se pencher sur Arzette à proprement parler, faisons un petit saut dans le temps. Car il est bon d’évoquer les deux jeux responsables de son existence, les tristement célèbres Wand of Gamelon et Faces of Evil. Fruit d’un partenariat entre Nintendo et Philipps pour le CD-I de ce dernier, ils constituent un duo rapidement complété par Zelda’s Adventure (un peu à part avec son style réaliste). À leur sortie en Octobre 1993 (1994 pour Zelda’s Adventure), ils se font écharper par la critique pour plusieurs raisons. Jouabilité infâme (on utilise alors la télécommande…), difficulté aberrante (hitboxes foireuses et bombardement d’ennemis), cinématiques nanardesques (entre design improbable et « cinématographie » fumée), et un style qui détonne avec les jeux originaux vouent ces épisodes aux gémonies. Nintendo ne reconnaît d’ailleurs pas ces épisodes comme faisant partie du canon de la saga.

Oui je sais. Ça pique toujours autant les yeux aujourd'hui.
Oui je sais. Ça pique toujours autant les yeux aujourd’hui.

À leur décharge, les jeux ont apparemment affronté beaucoup de difficultés et de contraintes au cours de leur développement et ce malgré certaines ambitions. Ils restent d’ailleurs les premiers Zelda où les personnages parlent. Et les seuls épisodes de toute la saga où Link s’exprime (il est doublé en français par Thierry Wermuth, la voix de Tintin et Stan/Randy Marsh de South Park). Sans compter que Wand of Gamelon est le seul épisode où l’on incarne Zelda en tant que perso principal. Ils restent donc assez « novateurs » sur certains éléments même si leur style rappelle davantage la série animée sur Zelda qui était sortie dans les années 90 que les jeux originaux.

Dans tous les cas, c’est ainsi que naît ce qu’on surnomme bientôt « La Triforce de la Honte ». Pendant un certain temps on préfère les oublier et les évoquer avec moquerie ou mépris. Cependant avec l’explosion d’Internet, les avis changent un peu. D’abord parce qu’ils constituent très vite un creuset idéal pour des memes et des Youtube Poops. Ensuite parce que la culture nanar se développe et redonne un peu d’affection à ces brebis galeuses. Enfin, parce que le temps passant, pas mal de joueurs leur découvrent quand même certaines qualités. En effet les graphismes in-game restent tout de même très beaux pour l’époque. L’atmosphère est certes un peu plus « occidentale » mais reste très jolie. Et la bande-son, bien que dans un style très synthé, offre de très belles compositions. Écoutez donc le thème de Nortinka de Faces of Evil, c’est quand même très beau !

Passé l’aspect nanar des cinématiques et son gameplay effroyable, les épisodes de Zelda sur CD-I affichaient tout de même une jolie patte artistique.

Toutefois, personne n’aurait pu prédire qu’un jour, un certain Dopply s’amuse à les remasteriser. Un projet « private joke » réalisé sur Game Maker afin de s’accoutumer à ce dernier. Il en profite pour corriger certains des défauts des deux jeux notamment sur le plan du gameplay. Un projet qui fait le tour de la toile et provoque une petite nuée d’articles à son sujet. Tant et si bien qu’il finit par effacer les liens de téléchargement des fichiers par crainte de l’impitoyable service juridique de Nintendo. Mario ne plaisante pas avec ses licences comme on le sait (RIP Citra et Yuzu). Comment donc contourner le problème? La réponse est simple : créer une suite spirituelle. Il décide alors de se lancer dans un projet fin 2020 qui se veut tant une parodie qu’un hommage à Wand of Gamelon et Faces of Evil. Il prend le nom d’Arzette : Jewel of Faramore.

Dès le début, on constate que le respect scrupuleux de l’esprit des jeux inspirateurs est là. Le logo du studio façon logo CD-I et le titre du jeu en zoom arrière avec le petit jingle mystérieux renvoient direct à leur intro. L’expérience nostalgique transparaît même dans le nom du studio, Seedy-Eye, une homophonie à l’anglaise du terme CD-I. Bref on sait dans quoi on s’engage. D’autant plus quand on lance notre première partie. La cinématique d’intro parodie sans vergogne le style des Zelda sur CDI avec son design foireux tout droit sorti de Paint, ses angles de caméra improbables et ses visages un peu trop grimaçants. Les autres cinématiques sont toutes du même acabit. Du coup, on oscille entre le rire et la tendresse nostalgique quand on les voit. Et c’est un réel plaisir ! Un peu coupable, certes, mais un réel plaisir quand même !

Une batterie de personnages tous aussi stylés et charismatiques les uns que les autres vous attendent au sein de cinématiques de haute volée artistique. Au fait, cette espèce de grand couillon ne vous rappelle-t-il pas quelqu'un?
Une batterie de personnages tous aussi stylés et charismatiques les uns que les autres vous attendent au sein de cinématiques de haute volée artistique et au mauvais goût pleinement assumé. Au fait, cette espèce de grand couillon ne vous rappelle-t-il pas quelqu’un?

Mais une fois dans le jeu proprement dit, on retrouve des graphismes peints à la main du plus bel effet ! Les environnements sont variés : plaines, plages, grottes, forêts et même un château gothique vous attendent ! Le tout toujours dans le style propre aux jeux inspirateurs. Il faut dire qu’on a mis les moyens pour garantir l’authenticité de l’expérience. Et pour cause, Dopply a été littéralement repêcher des artistes ayant bossé sur les épisodes CD-I. Parmi eux, Ron Dunleavy, l’un des artistes chargés des décors de fonds mais aussi des cartes du monde ! Plus authentique que ça, c’est dur à trouver ! Les personnages tout en sprites 2D sont adorables également même si leur style, plus comique, tranche un peu avec le côté plus réaliste des sprites des Zelda originaux. Là encore, le volet parodique se rappelle à notre bon souvenir.

Les décors d’Arzette sont très beaux et variés ! De même que le bestiaire bien que celui-ci soit plus cartoonesque que celui des épisodes inspirateurs.

Niveau bande-son, le compositeur Jake « Button Masher » Silverman tisse la tapisserie musicale d’Arzette dans ce bon vieux style synthé des 90s propre aux épisodes originaux. L’hommage est là encore et certains thèmes sont ainsi très réussis comme celui de la forêt de Durridin. Au niveau des sons, Dopply a poussé le vice à reprendre à l’identique certains effets sonores des Zelda sur CD-I. Si vous les avez connus d’une façon ou d’une autre, vous les reconnaîtrez immédiatement. Au niveau du doublage, pas de VF hélas mais une VO tout à fait géniale ! Les acteurs jouent le jeu de la parodie et donnent ainsi dans les tonalités ridicules et exagérées. On trouve même quelques guests comme Jeffrey Rath et Bonnie Jean Wilbur, respectivement voix de Link et Zelda dans les jeux originaux, ou encore Vinny de la chaîne Vinesauce. Bref là encore du tout bon !

Des graphismes à la bande-son, Arzette vous garantit une expérience CD-I like des plus authentiques !

Reste la question qui fâche : quid du gameplay ? On se souvient de la véritable purge que les Zelda sur CD-I constituent en la matière. Hé bien rassurez-vous, Dopply n’a pas poussé l’hommage jusque-là. Au contraire de ces derniers, Arzette est un véritable plaisir à jouer ! L’héroïne se meut avec vivacité, pas de bombardements intempestifs ou de hitbox foireuses ! Il n’en demeure pas moins que quelques moments du jeu restent assez tendus. D’autres au contraire sont assez faciles. Les combats de boss par exemple sont loin d’être insurmontables. Il faut dire aussi que le jeu est assez classique dans sa structure. Cependant la durée de vie assez longue ainsi que la multitude de secrets à trouver compensent cela. Il ne faudra pas compter cependant sur la rejouabilité du titre même si là encore on reste raccord avec les jeux originaux.

Pas de hitbox défaillantes, de bombardements intempestifs ou de déplacements lourdingues ici. Arzette virevolte avec aisance mais ne sous-estimez pas le jeu. Il a ses petits moments de difficulté !

Arzette se veut un Action RPG digne de son modèle inspirateur. Vous allez donc trouver toute une batterie d’objets pour vous aider à avancer. Les vétérans des Zelda sur CD-I apprécieront ainsi le bouclier anti-projectiles qui sera des plus utiles. La plupart de ces objets peuvent être trouvés via des quêtes secondaires données par les PNJ. Le petit souci : il n’y a pas de journal à proprement parler pour les garder en mémoire, aussi il ne faut pas hésiter à prendre des notes. Ces quêtes nécessitent par ailleurs de faire pas mal d’allers-et-retours entre les niveaux. D’ailleurs, autre petite chose qui fâche un peu : on retrouve un peu toujours la même batterie d’ennemis d’un niveau à l’autre. Il aurait été plus sympathique de cantonner certains ennemis à certains niveaux pour donner à ces dernier encore un peu plus d’identité.

Le bestiaire d’Arzette est varié mais a tendance à se répéter trop souvent. Il aurait été plus appréciable de cantonner certains ennemis à certains niveaux pour leur donner un peu plus d’identité.

L’histoire quant à elle est bien sûr d’un classicisme adorable : vous devez défendre le royaume de Faramore contre un vilain démon et ses séides. Pas de quoi fouetter un Moblin. Surtout que c’est principalement la galerie de personnages qui nourrit l’histoire. À l’instar de Zelda, on se retrouve avec une batterie de PNJ excentriques. L’occasion de découvrir des caractères bien trempés au travers de séquences souvent volontairement nanardesque ou délirantes dans le plus pur style 90s. On s’attache dès lors à ce petit peloton d’évadés de bocaux de musée et c’est tout ce qui fait le charme pur et dur d’Arzette ! Sans compter que le jeu nous gratifie également de quelques chouettes petits clins d’oeil qui titilleront parfois votre nostalgie !

Arzette : Jewel of Faramore est une œuvre passionnée et délirante doublée d’une lettre d’amour tendre et nostalgique à deux jeux mal-aimés. Le jeu n’aurait pu être qu’un catalogage paresseux de YTP et de memes. Mais tout a été fait pour retranscrire à la perfection l’esprit CD-I de Wand of Gamelon et Faces of Evil. Quelque part il révèle que ces derniers auraient pu être des titres tout à fait appréciables s’ils avaient su mieux négocier leur virage ! De quoi peut-être nous pousser à les reconsidérer sous un œil neuf. Et pourquoi pas leur rendre un peu d’amour ? Bien sûr si on les considère toujours avec mépris, il est sans nul doute préférable d’aller voir ailleurs. Mais si l’on prend Arzette pour ce qu’il est, une parodie et un hommage, on se retrouve avec une expérience géniale et respirant la nostalgie des bonnes vieilles années. Vivement la suite !