Ils ont été pendant des années les émulateurs de référence pour la Switch et la 3DS. Yuzu et Citra tirent leur révérence face à la menace de la justice. 

On le sait, Nintendo ne plaisante pas avec ses fans quand ils franchissent la frontière du copyright. C’est quelque part un miracle que Citra et Yuzu aient eu une vie aussi longue. Hélas, celle-ci vient de prendre fin brutalement. Le 28 février dernier, Nintendo dégaine l’artillerie lourde contre leur équipe de développement, Tropic Haze. La firme accuse notamment les deux émulateurs de favoriser le piratage massif de ses derniers gros jeux. Face à cette salve, l’équipe a décidé de régler le problème à l’amiable. L’accord est drastique : outre 2.4 millions de dollars à verser en dommages et intérêts, citons la cessation immédiate du support des deux émulateurs et la clôture des réseaux sociaux associés. Seule une déclaration en ligne de l’équipe de développement est désormais consultable sur le site des deux émulateurs et évoque la situation ainsi :

Bonjour aux yuz-ers et aux fans de Citra. Nous vous écrivons aujourd’hui pour vous informer que Yuzu et le support de Yuzu et Citra sont interrompus, avec effet immédiat. Yuzu et son équipe ont toujours été contre le piratage. Nous avons débuté nos projets en toute bonne foi, par passion pour Nintendo, ses consoles et ses jeux, et nous n’avions pas l’intention de causer du tort. Mais nous constatons aujourd’hui que nos projets, en contournant les mesures de protection technologique de Nintendo et en permettant aux utilisateurs de jouer à des jeux en dehors des supports autorisés, ont donné lieu à un vaste piratage. Nous avons été notamment profondément déçus lorsque des utilisateurs se sont servis de nos logiciels pour faire fuiter le contenu de jeux avant leur sortie et ruiner l’expérience des acheteurs légitimes et des fans. Nous avons décidé de faire en sorte que cela ne se produise plus. Le piratage n’a jamais été notre intention et nous pensons que le piratage de jeux vidéo et de consoles de jeux vidéo doit cesser. À partir d’aujourd’hui, nous allons mettre hors ligne nos dépôts de code, arrêter nos comptes Patreon et nos serveurs Discord et, bientôt, fermer nos sites web. Nous espérons que nos actions constitueront un petit pas vers la fin du piratage des œuvres de tous les créateurs. Nous vous remercions pour vos années de soutien et pour votre compréhension de notre décision.

Le communiqué omet cependant deux éléments qui motivent la décision de Nintendo. En premier lieu, l’équipe bénéficiait d’un soutien financier via leur compte Patreon. En effet, ce sont 26 000€ mensuels qui rentraient dans les caisses. Une somme non négligeable d’autant plus que Tropic Haze monnayait parfois l’accès de certains builds de son émulateur. En outre, Nintendo rapporte que Tears of the Kingdom a été piraté un million de fois avant de sortir officiellement. La décision de Nintendo polarise les avis. Si d’un côté on respecte le fait qu’il ne faut pas attenter à la propriété intellectuelle des créateurs, de l’autre on reproche à Nintendo d’enfonce un clou en plus dans le cercueil de l’histoire du jeu vidéo. En effet l’arrêt récent de l’Eshop de la 3DS rend l’acquisition de certains jeux plus difficiles. Comme on le sait le manque d’accessibilité d’un jeu favorise la flambée des prix sur Internet.

Si cet accord à l’amiable ne fait pas jurisprudence, il reste malgré tout la preuve du rapport difficile entre l’émulation et les sociétés de jeu. Pour beaucoup, la préservation du patrimoine vidéoludique et l’accès facile et non-onéreux aux anciens jeux sont souvent des motif qui justifiant le recours à l’émulation.  Mais on le sait, c’est aussi une zone grise à mi-chemin entre légalité et illégalité. Il faut espérer que dans l’avenir une solution soit trouvée pour rendre aux joueurs nostalgiques l’accès aux vieux jeux. En attendant, les fans de l’émulation doivent compter deux nouvelles victimes tombées au champ d’honneur. Cela ne signifie cependant pas la fin des émulateurs Switch et Citra : ces derniers étant Open Source, nul doute que leur code subsiste quelque part et qu’ils vont ressortir sous une autre forme. Le roi est mort, vive le roi comme on dit.