Spiders fait partie des studios français s’illustrant à l’international. Créé en 2008, le studio parisien a un penchant pour les RPG comme Of Orcs and Men (2012), Mars : War Logs (2013), Bound by Flame (2013), The Technomancer (2016), GreedFall (2019) et Steelrising (2022). Alors que GreedFall II : The Dying World sortira le 24 septembre prochain sur PC (et en 2025 sur console), les employés du studio dénoncent des conditions de travail problématiques.

Le STJV alias le Syndicat des Travailleurs et Travailleuses du Jeu Vidéo se fait la voix des salariés de Spiders. En effet, le 27 août dernier, le STJV publiait une lettre ouverte « à la demande du comité d’action des travailleurs et travailleuses de Spiders Game ». La lettre fait pas moins de 20 pages dans lesquelles sont exposées toutes les problématiques : du contexte, à la non-prise en compte des souffrances salariales jusqu’aux revendications. Pour tout dire, ce n’est d’ailleurs pas la première lettre, puisqu’une précédente avait donné suite à une forte grève le 19 janvier dernier.  La situation chez Spiders est relativement alarmante. En témoigne le bilan dressé par les salariés :

  • Une instabilité qui gagne du terrain
  • Une direction qui refuse l’anticipation, la résolution des problèmes et plus généralement de garantir de meilleures conditions de travail
  • Une désorganisation liée au manque de préparation
  • Des départs, trop de turn-over et peu de recrutements
  • Des inégalités hommes / femmes trop marquées
  • Aucune transparence sur l’entreprise en général
  • Aucune prise en compte des problèmes
  • Un mal-être pendant le développement de GreedFall II
  • Aucune reconnaissance du collectif
  • Pas de concessions dans les négociations

Spiders, l’art d’être englué !

L’instabilité vient directement du management puisque les salariés ne peuvent jamais se projeter. En effet, la précarité s’avère maintenue. Le salaire moyen est largement sous la moyenne de l’industrie. L’absence d’augmentation, l’inflation et le coût de la vie parisienne (loyers, transports…) compliquent la vie des employés qui galèrent à joindre les deux bouts. Il n’y a pas non plus de possibilités d’évolution de carrière !

Au lieu d’anticiper les différents problèmes liés au développement des jeux, la direction se contente d’attendre qu’ils débarquent pour les traiter « au cas par cas ». L’exemple est ainsi donné avec les JO 2024 et l’absence totale de prise de décision en amont. Les salariés ayant dû « démontrer l’impact des épreuves sur leurs trajets avant d’accorder l’accès au télétravail. Alors même que le Gouvernement Français demandait aux entreprises de privilégier le distanciel. Le système de rachats et reports des congés a été arrêté sans consultation, obligeant les salariés à poser tous leurs jours avant la fin du mois de mai. De même pour la close sur l’aménagement des heures selon la météo. De ce fait, les salariés doivent travailler dans des locaux avoisinant les 30 degrés.

Mauvais management, mauvais moral !

Spiders n’a pas plus de salariés de terrain mais plus de « managers » et de « hiérarchie ». La communication entre les services est chaotique, dépourvue de toute modernisation et de bon sens. Les décisions sont validées puis invalidées, rendant le travail fastidieux.

Nous nous enlisons dans des productions compliquées qui peinent à trouver et à mettre en place des solutions aux problèmes rencontrés, et voient leurs deadlines de plus en plus impossibles à tenir sans crunch ou travail bâclé, insatisfaisant pour tout le monde.

Si le nombre de salariés a augmenté, les personnes en poste ne le restent pas. Il y a eu beaucoup de départs liés aux salaires et à la santé mentale. Ceux qui restent éprouvent de « la lassitude et sentiment de stagnation, voire de régression ». Il n’y a pas de fiche de postes définie, obligeant chaque employé à endosser toutes les casquettes sans contrepartie. Il n’y a pas non plus de possibilités de formation et d’appréhender les nouvelles technologies. Dans un monde comme celui des jeux vidéo, c’est pourtant essentiel. Problème, à chaque départ d’un senior, c’est une partie du savoir qui part aussi. Derrière la direction ne fait rien pour donner envie à de nouveaux salariés de postuler. Les femmes ne représentent que 17% de l’entreprise et 12% dans la production. Dans l’industrie, 24% des femmes font partie des studios. Plus inquiétant encore, 41% des départs chez Spiders sont des femmes. De quoi remettre en question l’image que se donne Spiders, à savoir celui « d’un studio inclusif ».

Une toile qui cache tout

Y a-t-il un capitaine pour guider le navire ? En général, lorsque nous travaillons, nous aimons avoir une ligne claire et établie pour savoir où aller. Chez Spiders, que cela soit la direction ou Nacon, il n’y a aucune vision définie : « On ne sait pas quelle est la direction générale de notre studio, ni même s’il en existe une. »

Malgré des demandes répétées, personne n’a d’informations fiables sur les relations entre le studio et le groupe qui le possède, et encore moins sur les contrats passés avec Nacon.

Les reports de GreedFall et de Steelrising s’expliquent par un manque de temps pour le débug et l’optimisation. GreedFall II a par ailleurs connu des modifications de budget expliquant son retard. Tous les problèmes remontés sont passés sous silence : les représentants des personnels sont considérés comme des menteurs. Le développement de GreedFall II s’avère douloureux. Des burnouts s’enchainent. A cause de tous les problèmes développés précédemment, ainsi qu’une surcharge de travail lié à l’early access, le moral des troupes est au plus bas.

Une direction toxique aux méthodes douteuses

S’il fallait résumer les agissements de la direction en un mot : intolérable. Nous apprenons ainsi qu’elle crée des conditions de travail différentes à chaque fois, donne des avantages aux uns mais l’interdit aux autres. Tout en empêchant les représentants du personnel de faire le suivi des conditions de travail. Et cerise sur le gâteau du détestable, la direction ne tient pas compte « des personnes neuroatypiques, précaires et/ou marginalisées, très nombreuses dans le jeu vidéo et à Spiders ». S’ajoute à cela la volonté de bloquer les négociations et la rétention d’informations.

Les revendications, des demandes légitimes

Les salariés ne demandent pas la lune, mais simplement quelques éléments qui tiennent du bon sens. A savoir : la transparence sur tous les aspects de l’entreprise, une reconnaissance des problèmes et du mal-être, le respect du dialogue social. Mais également, une réorganisation de l’entreprise. A savoir : simplifier les processus administratifs, une fin de la centralisation du pouvoir, la mise en place de fiches de postes, une vision collective et  valorisante permettant à chaque employé de se former.

Les salariés demandent un droit au télétravail encadré avec des conditions posées et respectées, la cessation de toutes les discriminations actuelles, la mise en place de grilles des salaires pour garantir la parité hommes-femmes. Enfin, les employés revendiquent une augmentation des salaires à « la hauteur des résultats financiers de Nacon ». Et également, des négociations sur les conditions de travail : temps de travail et plan de travail face au dérèglement climatique. 43 salariés sur les 95 salariés ont signé et approuvé cette lettre (quasiment la moitié). Un appel à la grève est lancé pour à partir du 2 septembre prochain et pour la semaine.

Le 31 août, la direction a accepté de recevoir ses salariés pour échanger sur les différents sujets. Mais, il n’y a pas de mesures concrètes. Une autre rencontre est prévue lundi matin. Toutefois, l’appel a la grève est maintenu tant qu’il n’y a pas de vrais engagements notifiés.